Le Huitième Jour

Réalisé par Charles Gagnon
14 min, 16 mm, noir et blanc, son
Pavillon chrétien

Le Pavillon chrétien et le Pavillon des sermons de la science, deux des trois pavillons religieux à Expo 67 (le troisième étant le Pavillon du judaïsme), avaient tous deux recours à des films en 16 mm et 35 mm conventionnels projetés sur un seul écran dans des salles où le public était assis.

On peut considérer Le Huitième Jour (1967) comme étant l’un des éléments pour écran (en mouvement) parmi les centaines qui entraient dans la composition de l’installation multimédia conçue par l’artiste montréalais Charles Gagnon. Dans le Pavillon chrétien, Gagnon a utilisé plus de trois cents photographies et quarante haut-parleurs pour entourer les spectateurs d’images et de sons évoquant la vie au quotidien. Le huitième jour était projeté en boucle dans une salle pour cent personnes dans la partie inférieure du pavillon. Le film en 16 mm, de 14 minutes, pour écran unique puise son titre dans les écritures saintes et renvoie au jour où l’humanité reçoit, de Dieu, la Terre en héritage. Extraits d’actualités filmées et images fixes sont alliés selon une technique de collage qui proposait une critique virulente des technologies de la guerre, de la violence et de la société de consommation d’après-guerre. Gagnon a commencé le film en 1966 avec l’assistance de Judith Trotsky, une chercheure en cinéma établie à  New York, qui a retrouvé, en fouillant dans différentes bibliothèques d’actualités filmées, les séquences très précises requises par Gagnon. Le montage brillant de Gagnon exploite le film-collage et sa capacité de produire une étrange ambivalence qui faisait, ici, que le spectateur se sentait assailli par la violence du quotidien. Le huitième jour est dans la même veine que d’autres films-collages qui utilisent des images d’archives « apocalyptiques » illustrant guerres, désastres, catastrophes, bombes nucléaires et atomiques – bref, les favoris du genre.

Le Pavillon des sermons de la science projetait un programme de quelque douze films, produits par le Moody Institute of Science entre 1946 et 1961. Le pavillon avait été mis sur pied par un groupe d’hommes d’affaires de Montréal et faisait appel à des bénévoles et au soutien de chrétiens évangélistes et d’organismes des États-Unis et du Canada. Les films qui y étaient présentés commençaient à la fin des années 1930 avec des prestations en direct du pasteur Irwin Moon, dont les démonstrations visaient à illustrer comment les merveilles de la science fournissant les preuves patentes d’un plan chrétien de création divine. En 1945, Moon a fondé le Moody Institute of Science où il a mis l’accent sur la production de films venant compléter ses présentations en direct (elles seront, par la suite, données en grande partie par George Speake) et pouvant circuler indépendamment.

Les films du Moody Institute of Science ont été  montrés dans plusieurs expositions universelles, dont la Foire internationale de New York de 1964. Le pavillon sur l’île Notre-Dame a adapté cette programmation new-yorkaise à l’exposition de Montréal. Les projections se déroulaient toute la journée dans un auditorium climatisé avec trois cents places; les démonstrations en direct incluaient des lampes de poche parlantes, une lumière liquide émise par du gaz carbonique et la célèbre décharge électrique d’un million de volts traversant le corps d’un homme. Une deuxième salle de conférence avec soixante-quinze places présentait un film dans lequel l’évangéliste Leighton Ford incitait à la conversion au christianisme. (Monika Kin Gagnon)

Charles Gagnon était un artiste multidisciplinaire qui pratiquait la peinture, la photographie et le cinéma. Il a réalisé quatre films expérimentaux entre 1967 et 1971. Deux rétrospectives importantes lui ont été consacrées : l’une, en 1978, par le Musée des beaux-arts de Montréal et l’autre, en 2001, par le Musée d’art contemporain de Montréal. Ses œuvres font partie de grandes collections muséales et particulières, tant nationales qu’internationales. Il s’est mérité de nombreux prix, entre autres celui de l’Ordre du Québec en 1991 et le Prix Borduas en 1995. Il a reçu un doctorat honorifique de l’Université de Montréal en 1991 et, en 2002, on lui décernait le Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques.